Encaisser 130 millions d’euros change tout… sauf deux choses : la fiscalité qui s’appliquera à vos revenus financiers, et la réalité des rendements disponibles en 2025.
En France, la plupart des intérêts et dividendes sont taxés au prélèvement forfaitaire unique (PFU) de 30 % — 12,8 % d’impôt sur le revenu + 17,2 % de prélèvements sociaux — sauf cas particuliers comme le PEA ou l’assurance-vie selon l’ancienneté du contrat. Autrement dit, les chiffres bruts doivent toujours être traduits en net dans votre poche pour mesurer ce que rapporte réellement votre jackpot à euromillions.
Le décor 2025 : taux, dividendes et supports d’épargne
Au 1ᵉʳ août 2025, le Livret A est redescendu à 1,7 % net, après un passage à 2,4 % entre février et juillet 2025. C’est sans impôt ni prélèvements sociaux, mais le plafond le rend anecdotique à ce niveau de patrimoine ; l’utilité du Livret A tient surtout à la poche de trésorerie garantie.
Côté marché obligataire, la référence souveraine française, le TEC 10 (proxy du rendement des OAT 10 ans), s’établit autour de 3,55 % fin septembre 2025. Cela donne l’ordre de grandeur d’un taux « sans risque souverain » en euros.
Les fonds monétaires ont vu leur performance glisser avec la détente monétaire : leur gain sur 12 mois ressort à environ 2,9–3,6 % entre mars et juillet 2025, reflet de l’€STR et des décisions de la BCE.
Les fonds en euros d’assurance-vie ont servi en moyenne ~2,6 % pour 2024 (net de frais de gestion, avant fiscalité), avec une dispersion marquée : certains contrats cantonnés ou diversifiés dépassent ponctuellement 3,5–4 %.
Les dividendes d’actions françaises offrent un repère de ~3,3 % de rendement attendu en 2025 pour le CAC 40, hors éventuelles plus-values. Ce rendement varie selon les secteurs, la conjoncture et les politiques de rachat d’actions.
Enfin, les SCPI (immobilier papier) ont distribué en 2024 une moyenne de 4,72 %, dans un contexte de réajustement des valeurs d’expertise, hétérogène selon les catégories d’actifs. Cela reste un pilier de revenu, mais avec un risque immobilier et des délais de cession à intégrer.
Scénarios chiffrés : que rapporte 130 M€ selon le support ?
Imaginez que vous placiez tout le capital sur un seul support (exercice de style pour comparer les ordres de grandeur).
Les montants ci-dessous sont arrondis, avec conversion brut → net au PFU 30 % quand il s’applique, ou au régime propre au support.
Obligations d’État / OAT 10 ans
À 3,55 % brut, 130 M€ génèrent 4 615 000 € par an. Après PFU, le net tombe à ≈ 3 230 500 € par an, soit ≈ 269 000 € par mois. C’est la photo 2025 d’un revenu défensif indexé aux taux.
Monétaire court terme
Avec une performance annualisée autour de 2,93 % sur 12 mois l’été 2025, le brut atteint ≈ 3 809 000 € et le net PFU ≈ 2 666 300 €. Avantage : liquidité et visibilité. Inconvénient : sensibilité aux baisses de taux.
Assurance-vie — fonds en euros
Sur une base moyenne ~2,6 % servie au titre de 2024, l’intérêt crédité serait ≈ 3 380 000 €. Les prélèvements sociaux de 17,2 % s’appliquent sur ces gains, ramenant le flux net de PS à ≈ 2 798 640 €.
L’impôt dépend ensuite de vos rachats et de l’ancienneté du contrat ; passé 8 ans, vous profitez d’un abattement annuel de 4 600 € (célibataire) ou 9 200 € (couple) sur la part de gains retirée, puis d’une fiscalité spécifique.
Actions à dividendes (ex. CAC 40)
À ~3,3 % de rendement, le brut atteint ≈ 4 290 000 €, et le net PFU ≈ 3 003 000 €. C’est potentiellement croissant dans le temps si les bénéfices progressent, mais exposé à la volatilité boursière et au risque de coupe de dividende.
SCPI (immobilier papier)
Avec 4,72 % de taux de distribution 2024, le brut serait ≈ 6 136 000 €. Le net dépend de votre tranche marginale d’imposition (barème) + 17,2 % de prélèvements sociaux : un foyer faiblement imposé conserve près de 5,08 M€, quand une TMI à 30 % aboutit à ≈ 3,24 M€, et 45 % à ≈ 2,32 M€.
Ce différentiel fiscal explique que l’immobilier papier soit très personnel : excellent flux pour certains profils, moins pertinent pour d’autres.
Livret A
Au 1,7 % net, 130 M€ « théoriques » donneraient 2,21 M€, mais l’encours est plafonné par personne ; ce support ne sert donc que de matelas de cash sécurisé, pas de moteur de revenu pour 130 M€. Service Public
Combien viser raisonnablement en revenu annuel net ?
Avec les taux et rendements actuels, un investisseur qui privilégie la sécurité (monétaire + souverain + fonds en euros) peut viser ≈ 2,7 à 3,2 M€ nets par an, selon les pondérations et la mécanique d’impôt/rachats.
Un profil équilibré qui mélange obligataire, actions à dividendes (idéalement en PEA après 5 ans, pour l’exonération d’impôt sur le revenu hors prélèvements sociaux) et une poche mesurée de SCPI peut viser ≈ 3,0 à 3,6 M€ nets, tout en acceptant davantage de volatilité.
À l’autre extrême, une recherche de rendement via dividendes mondiaux et SCPI peut pousser vers 3,5–4,0 M€ nets, au prix d’un risque de marché et immobilier plus marqué et d’une dépendance à votre TMI.
Les deux grands leviers d’optimisation : enveloppes fiscales et architecture
Le premier levier est l’enveloppe : un PEA bien utilisé abrite vos dividendes et plus-values sans impôt sur le revenu après 5 ans (reste dus les 17,2 % de prélèvements sociaux), avec des plafonds qui imposent une planification familiale si vous cherchez à « déployer » une partie du capital sur actions européennes.
L’assurance-vie, passée 8 ans, offre l’abattement annuel (4 600 €/9 200 €) et une fiscalité spécifique des rachats, en plus de ses atouts civils et successoraux ; c’est l’enveloppe naturelle pour le fonds en euros et les unités de compte diversifiantes.
Le second levier est l’architecture : à ces montants, la diversification des contreparties n’est pas une option mais une règle d’hygiène.
Les dépôts bancaires sont garantis à 100 000 € par client et par établissement via le FGDR, tandis que l’assurance-vie relève du FGAP avec un plafond de 70 000 € par assureur (90 000 € pour certaines rentes).
La bonne pratique consiste donc à multibancariser et multi-assureuriser vos avoirs, tout en gardant l’essentiel investi plutôt que dormant sur comptes à vue.
Exemple d’itinéraire patrimonial sur 12–24 mois
La méthode éprouvée, c’est de parquer d’abord une large part en monétaire/obligataire pour sécuriser le calendrier d’investissement — typiquement entre ~3,0 % et ~3,5 % brut selon les fenêtres — puis de déployer par vagues vers des poches de dividendes et de fonds en euros de qualité, et d’immobilier soigneusement sélectionné.
Cette approche réduit le risque de « mauvais point d’entrée » et laisse la flexibilité d’accélérer ou ralentir selon l’évolution de la BCE, des valorisations boursières et de l’immobilier.
En résumé
Avec 130 M€, un flux récurrent net situé entre ~2,7 M€ et ~4,0 M€ par an est réaliste en 2025, la fourchette dépendant de votre tolérance au risque, de votre TMI, et de votre usage des enveloppes fiscales.
La brique obligataire et monétaire ancre un revenu prévisible, les fonds en euros lissent la volatilité, les dividendes portent la croissance de long terme, et les SCPI complètent la diversification si votre fiscalité et votre horizon s’y prêtent.
À ce niveau de patrimoine, la gouvernance (charte d’investissement, procédures de sécurité, choix des contreparties) devient aussi importante que les points de rendement.
Donner votre avis !